Écrire le pays natal. La littérature du proche dans l’espace francophone européen (1880-1980)

Du au
Université de Bretagne occidentale
Colloque Écrire le pays natal

Qu’elles soient qualifiées de littérature du « pays natal », selon l’expression utilisée par Michèle Gorenc (2014), de littérature du proche ou de littérature du local, comment définir, nommer et mieux comprendre les pratiques littéraires présentant une inscription spatiale et/ou une proximité sociale entre un auteur et ses contemporains ? Ces pratiques littéraires ont pu faire l’objet de qualifications diverses : littérature « de terroir », « de province », « rustique », « régionale », « régionaliste », « d’expression française », etc. Ces qualifications ont souvent varié au gré de leur usage dans l’histoire littéraire française. Il nous semble que c’est principalement à partir du moment où les frontières du champ littéraire français (Bourdieu, 1991) sont établies – et les « grands écrivains » identifiés – que certaines pratiques littéraires sont reléguées à la marge du champ et que certains auteurs sont périphérisés par l’ajout d’un qualificatif les distinguant de ceux qui n’en portent pas. Or, toute littérature du proche n’implique pas le positionnement de son auteur à la périphérie du champ : pour quelles raisons certains écrivains restent-ils estampillés écrivains « régionaux », « régionalistes » ou encore « bretons », « occitans », « belges »... alors que d’autres, délestés de leur appartenance territoriale, peuvent acquérir une forme de légitimité littéraire au centre (Casanova, 2008) et y occuper parfois des positions dominantes ? Il s’agira de chercher à comprendre les raisons de la présence, comme de l’absence, de ces qualificatifs, mais aussi de se demander qui et ce qui labélise les écrivains, de l’apparition d’une littérature « régionaliste » et son apogée dans l’entre-deux-guerres – quand certains de ces écrivains acquièrent une reconnaissance nationale par l’obtention de prix littéraires (Thiesse, 1991) – jusqu’au milieu des années 1970, période notamment marquée par la publication du Cheval d’orgueil de Pierre-Jakez Hélias.

On pourra se demander comment des qualifications territoriales (« régional », « régionaliste », « breton » ou « occitan »…) ou sociales (« paysan », « prolétarien »…) peuvent être acceptées (voire revendiquées) ou refusées par les auteurs participant au jeu littéraire (Lahire, 2006), si ces termes sont employés du vivant des auteurs, éventuellement par eux-mêmes ou si on peut constater des processus de labellisation ultérieurs, certains devenant ainsi, peut-être à leur insu, les porte-parole d’un territoire. Les instances de légitimation (prix littéraires nationaux ou régionaux, académies, anthologies, manuels scolaires, etc.) jouent sans doute un rôle prépondérant : leur étude devrait permettre de comprendre le positionnement d’un auteur dans le jeu et son évolution au fil d’une trajectoire littéraire, ainsi que de son éventuelle postérité.

Cette réflexion sur les écrivains du proche met également à l’épreuve des concepts de sociologie de la littérature :

Quelle pertinence pour les notions de « champ » ou de « jeu » dans l’analyse des trajectoires de certains de ces écrivains ?
Pourquoi la « double vie » (Lahire 2006) de certains auteurs – souvent polygraphes, à la fois écrivains, journalistes, mais aussi membres de diverses associations ou partis politiques, entrepreneurs touristiques, militants régionalistes et/ou nationalistes, etc. – semble-t-elle être particulièrement mise en avant dans leurs biographies alors que, pour d’autres, seul le littéraire est mentionné, éludant, de ce fait, toute activité extra-littéraire ?
Comment se jouent les relations de domination littéraire dans un sous-champ lui-même dominé ? Les rapports de force, la conscience des hiérarchies et de leur poids y sont-ils comparables ?
Quels enjeux artistiques, culturels, sociaux, politiques, idéologiques… ces pratiques littéraires revêtent-elles ?

Corpus concerné

Est concerné par ce colloque, tout auteur de la période qui, par sa trajectoire, pourrait éclairer la question du rapport entre des pratiques littéraires et un territoire donné (natal au sens strict de l’état-civil ou prenant d’autres formes d’attachement), qu’il soit considéré comme une ressource littéraire ou, au contraire, qu’il fasse l’objet d’un effacement – définitif ou transitoire – dans la posture d’un auteur.

 

Appel à contribution

Mannaig Thomas (MCF de littérature bretonne),
Jean-Pierre Dupouy (MCF de littérature française), Université de Bretagne occidentale, Brest, CRBC (Centre de recherche bretonne et celtique).

Comité scientifique

Jean-Pierre Dupouy, maître de conférences, CRBC-UBO
Yves Le Berre, professeur des universités, CRBC-UBO
Laurent Le Gall, professeur des universités, CRBC-UBO
Yann Mortelette, professeur des universités, CECJI-UBO
Anne-Marie Thiesse, directrice de recherche, Pays germaniques-ENS/CNRS
Mannaig Thomas, maître de conférences, CRBC-UBO

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Bisenius-Penin Carole (dir.), La Lorraine des écrivains : création littéraire et territoire, Actes numériques des journées d’étude internationales des 1er et 2 décembre 2016 à Metz.

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Programme du colloque