Deux axes différents dans ce compte rendu : 1/ Les raisons de notre critique de l'EPE ; 2/ les risques concrets pour les collègues.
L'agenda prévu
Rappelons qu'un INP se crée (Institut National Polytechnique qui inclura l'ENIB et 2 composantes actuelles de l'UBO : ESIAB et IAE). L'UBO deviendra un EPE appelé "Université de Brest", l'INP sera un établissement autonome mais intégré à l'EPE (l'INP sera un "établissement composante" de l'EPE "Université de Brest") .
- Vote en CSA du 26/09 : une majorité des organisations syndicales affirment ne pas être "pour" l'EPE : 3 "contre" ( 2 SUD-CGT et 1 SNESUP), 4 "abstention" (1 UNSA, 2 CFDT et 1 SNPTES) , 2 "pour" (2 SNPTES). FO était absent.
- Vote au CA le 03/10 (le vote du 26/09 a été reporté d'une semaine)
- Vote en CNESER (consultatif) le 8/10/2024,
- Décret de la création de l'INP et de l'EPE promulgué en novembre.
- l'INP sera effectif pour l'ENIB qui créera ses statuts suite au décret. Puis, l'ESIAB et l'IAE intègreront l'INP (sans savoir la date réelle).
- L'EPE nommé "Université de Brest", intégrant l'INP, sera effectif au 01/01/2025.
- Les élections aux instances de l'Université de Brest et de l'INP (hors CSA) se feront d'ici juin 2025. Dans l'attente, ce sont les instances actuelles qui continueront.
- Pour les CSA de l'INP et de l'Université de Brest : élections fin 2026 lors des élections nationales, en attendant les CSA (et F3SCT) actuels restent en place.
Les raisons de notre critique de l'EPE
La présidence se veut rassurante en disant que les statuts de l’EPE collent aux statuts actuels de l’UBO. Cependant, autant les statuts actuels de l’UBO sont cadrés (par le Code de l’Éducation), autant ceux de l’EPE ne le sont pas. Et demain, l’EPE pourra modifier ses statuts sans contraintes. Les statuts de l’EPE considèrent en effet que: « Les statuts de l’Université de Brest sont modifiés par délibération statutaire du Conseil d'Administration de l’Université de Brest prise à la majorité absolue des membres en exercice. Cette délibération est prise après approbation des conseils d’administration des établissements-composantes. Les modifications des statuts sont approuvées par décret. ».
Or, la volonté de devenir un EPE est argumentée par "il faut s'adapter" (mots du président)... à la dérive néolibérale. Cette dernière continue et pourrait s’accélérer, voir les informations qui circulent sur "l'acte II" de l'autonomie des universités (voir ici). A partir du moment où l'UBO sera un EPE, il n'y aura plus de barrière à cette dérive (barrière du code de l’Éducation). Sous pression des "grandes universités" qu'il faudra imiter, nous risquons de voir, peut-être rapidement, les statuts de notre EPE évoluer (on nous expliquera encore : "il faut s'adapter").
Surtout, le Président de l'UBO a expliqué à plusieurs reprises qu'il y a une continuité politique depuis 20 ans et que l'UBO n'est pas dans les radars du gouvernement, l'UBO étant "méprisée" par les politiques. Le président considère que la politique gouvernementale de la recherche se fait uniquement en lien avec UDICE, association des 13 "grandes" universités françaises (voir ici) : "UDICE est l'interlocuteur central pour la recherche en France. L’État appelle cela "le club des universités de recherche" et c'est UDICE qui a la parole pour le financement de la recherche. L'Etat se sert de UDICE pour provoquer l'iniquité de traitement entre les universités" (propos du président de l'UBO).
Nous considérons donc que cela relève de la pensée magique de croire que si l'UBO devient un EPE, l'UBO reviendra dans les radars gouvernementaux. L'UBO n'intègrera pas l'UDICE même en étant un EPE (et donc ne sera pas plus dans les radars). Surtout, l'acte II de l'autonomie va nous faire glisser encore plus vers une économie néolibérale concurrentielle. L'UBO est déjà dans le rouge et aucun budget de l'état n'est prévu pour accompagner cette fusion. La plupart des EPE mis en place ont eu des surcouts liés à cette nouvelle structuration.
Pour toutes ces raisons, nous continuons donc à nous opposer à cette évolution qui nous parait trahir ce pour quoi nous avons décidé de travailler dans une université publique.
Les risques concrets pour les collègues
Au-delà de la critique politique/idéologique sur le choix de faire basculer l’UBO en EPE, nous marquons nos inquiétudes. D'une part, nous avons questionné la présidence sur la gestion budgétaire future entre l'EPE et l'INP pour l'ESIAB et l'IAE (puisque les bâtiments et matériels appartiennent à l'UBO : gestion des bâtis ; gestion des fluides, notamment le chauffage ; gestion du matériel, notamment le matériel informatique,...) et la réponse a été "il faudra discuter de tout cela ". De même, l'ESIAB et l'IAE bénéficient de revenus propres par l'alternance. Comment cela sera géré demain entre l'INP et l'EPE ? Réponse : "Cela fera l'objet de négociations qui seront sûrement difficiles". Bref, rien n'est prévu concrètement actuellement, ce qui révèle la précipitation de la présidence.
A savoir qu'en cas de désaccord entre l'INP et l'EPE, le dernier mot revient au président de l'EPE (article 52 des statuts)
Pour les collègues, le passage à l'EPE ne sera pas anodin
Une réorganisation d’une telle ampleur, menée en si peu de temps, implique inévitablement d’importants risques psychosociaux pour les personnels.
Quels services seront mutualisés : Le président a expliqué le 26 septembre qu’il y aurait la création de services mutualisés entre l’EPE et l’INP. Nous ne savons pas concrètement quels services seront impactés, bien qu'ils aient déjà annoncé des mutualisations pour des services comme la DSIUN et le Patrimoine . Nous avons donc questionné la présidence à ce sujet, et la réponse apportée nous alerte : "La réflexion devra naturellement s'ouvrir [...] sur la création ou pas, d'une direction dont le périmètre serait à l'échelle totale de l'Université [l'EPE], c'est à dire intégrant le périmètre de l'ENIB. Même problématique pour des services communs tels que le SUFCA, et le SCD notamment. On pourra également s'interroger sur des services centraux.". Bref, les mutualisations risquent de ne pas être anodines et concerneront sûrement beaucoup de collègues BIATSS. La mutualisation de tels services impliquera probablement, car c'est l'objectif, la mobilité pour des collègues et la réduction des effectifs.
Collègues de l’ESIAB et de l’IAE : Au final, ils et elles « seront placé.es en mise à disposition à l'INP ». La mise à disposition veut dire qu’ils et elles seront toujours agent de l'Université de Brest (EPE) et payé.es par celle-ci. A savoir « L'administration ou l'organisme d'accueil fixe les conditions de travail des personnels mis à sa disposition. » ce qui se traduit dans les statuts de l’EPE par le fait que ces collègues seront placés sous l’autorité fonctionnelle du directeur général de Bretagne INP. Tant que ces collègues resteront agent de l'UBO (en fait agents de l'EPE "l'université de Brest") ils et elles bénéficieront des mêmes congés et régimes indemnitaires qu'actuellement. Mais si ils/elles deviennent agent de l'INP, ce sera le cadre de l'INP qui s'appliquera.
Si un·e collègue fonctionnaire part à la retraite, la question a été posée de savoir si le futur poste serait attribué à l'INP ou s'il resterait à l'EPE. La réponse : "on verra bien". Rappelons d'après le président, 90% des collègues partiront à la retraite d'ici 10 ans, les tensions ne vont pas manquer entre l'INP et l'EPE.
-> Pour les fonctionnaires et CDI de l'ESIAB et IAE, la mise à disposition peut-être sans limite de délai pour les fonctionnaires et de 10 ans pour les CDI. La présidence nous informe : "Cette mise à disposition des personnels permet de les maintenir dans leurs fonctions dans leur service actuel, tout en gardant leur rattachement à leur établissement d'origine. Un an avant la fin de l'expérimentation, soit en 2027, un droit d'option avec effet en 2028, doit leur être proposé pour connaître leur choix entre rester personnel de l'Université ou devenir personnel de l'INP. Si un· collègue souhaite intégrer une composante de l'Université hors INP, les processus classiques de changement d'affectation s'appliquent. Si un·e collègue refuse la mise à disposition [il ou elle en a le droit], cela s'apparenterait à un changement de service pour lequel nous [l'université] accompagnerons l’agent.e dans les procédures classiques appliquées dans un tel cas et selon le calendrier afférent à celles-ci (de tels mouvements sont assez fréquents au sein de l’université)."
La mise à disposition ne peut se faire qu’avec l’accord des personnels « Le fonctionnaire [ou un CDI] doit pouvoir formuler son accord sur les fonctions qui lui sont confiées ainsi que sur ses conditions d'emploi ». Si un.e collègue refuse sa mise à disposition, cela sera géré visiblement comme les demandes de changement de service.
Si un.e collègue décide, après avoir accepté sa mise à disposition, de quitter l'INP et revenir à l'université dans un autre service qu'à l'INP , il ou elle a juste l’assurance d’avoir un poste répondant à son grade qui sera visiblement géré dans les procédures usuelles de changement de service.
-> Pour les contractuel.les en CDD de l'ESIAB et IAE : le cadre réglementaire ne prévoit pas de mise à disposition. La présidence nous a expliqué "les personnels en CDD se verront proposer un avenant à leur contrat actuel qui précisera simplement que leur lieu d'exercice est selon les cas l'ESIAB ou l'IAE école interne de l'INP".