Responsable :
Isabelle Durand-Le Guern
Les premières conclusions ont permis de faire émerger le lien fondamental entre littérature, histoire et politique, notamment en ce qui concerne la représentation littéraire de la (ou des) révolution(s), d’où la nécessité de se pencher plus spécifiquement sur cette question. Il nous semble tout d’abord essentiel d’interroger un changement de statut de l’idée révolutionnaire : la révolution appartient-elle dorénavant à l’histoire ? Est-elle sortie de l’actualité depuis l’effondrement des régimes communistes dans les années 1990 ? La notion même de Révolution reste-t-elle encore d’une brûlante actualité, comme dans les débats historiographiques qui eurent lieu tout au long du XXème siècle, ou bien peut-elle être envisagée déconnectée du présent ? Il fut un temps où l’interprétation de la Révolution Française supposait de facto un jugement sur la Révolution russe de 1917 (et réciproquement), et donc une prise de position politique claire concernant l’idéologie communiste. C’est ainsi que, dans les années 1970, la relecture de François Furet s’oppose aux interprétations de Lefebvre et de Soboul. Cependant, on peut sans doute penser aujourd’hui que la fin du mythe marxiste renvoie dans le domaine de l’histoire conjointement les révolutions du XVIIIe, du XIXe et du XXe siècle, pour en faire des objets d’étude dépouillés pour partie de leur encombrante dimension idéologique.
Si le temps est venu pour les historiens de se pencher de manière dépassionnée sur l’histoire des révolutions, peut-être est-il pertinent aussi de porter un regard sur la manière dont la littérature interroge l’événement révolutionnaire. Partant de l’hypothèse exprimée par Jacques Rancière, que « le réel doit être fictionné pour être pensé » (Le Partage du sensible), on peut penser que l’œuvre de fiction (littéraire, artistique, cinématographique) est à même d’apporter un éclairage sur le concept de révolution. De fait, les mises en œuvre littéraires d’événements révolutionnaires font inévitablement surgir des stéréotypes ainsi que des agrégats mythiques associés à la rupture, à la table rase, à l’abîme séparant deux époques, à l’effondrement d’une civilisation, au chaos... amenant à se poser la question d’un véritable mythe littéraire de la révolution.
Bien évidemment, il ne s’agit pas de considérer l’histoire dont se saisissent les écrivains uniquement comme un réservoir de mythes, mais plutôt d’interroger leur manière de penser l’histoire à travers les catégories spécifiques de la littérature. Il semble que, bien souvent, la saisie du réel proposée par les romanciers notamment anticipe sur les conceptualisations futures des historiens et des philosophes de l’Histoire. D’où l’hypothèse, que nous nous efforcerons de vérifier, que la littérature a été précocement, et est toujours, un lieu de compréhension essentiel du fait révolutionnaire. Conjointement, l’écriture de la révolution après son « refroidissement » historique semble poser la question de la renaissance, du retour, de la reconstitution, des sources de pérennité des civilisations et des cultures.
A partir de ces réflexions, nous envisageons un programme sur trois axes s’articulant entre eux :
- « Une époque post-révolutionnaire ? ». Ce premier axe posera les bases de la réflexion ultérieure à partir d’une table ronde. Début 2012
- « L’écriture de la révolution (mise en images : reconstitution et/ ou invention) ». Table ronde préparatoire à l’automne 2012, deuxième table ronde « Images de la révolution » à l’automne 2013, colloque « Imager la révolution » destiné à faire émerger les images récurrentes associées aux représentations révolutionnaires, automne 2013
- « Usages textuels de la révolution ». Première table ronde « Mythe et propagande », début 2014, deuxième table ronde « L’écriture de l’avenir », automne 2014, colloque « Penser la révolution : mythes et démystification », 2015.