Dans le cadre du festival LONGUEUR D’ONDES #20 (7-11 février 2024)
Journée d’étude – Voix/voies multiples
le mercredi 7 février à l'Auditorium des Ateliers des Capucins
Un partenariat entre l’Ecole Européenne Supérieure d’Art de Bretagne, la Licence Arts,
le Master Image et Son de Brest (UBO) et l’association Longueur d’ondes.
À travers cette journée d’étude, nous souhaitons proposer aux étudiant·e·s qui s’intéressent aux écritures et à la réalisation sonores d’assister à trois masterclasses portées par des professionnel·le·s et auteur·rice·s qui agissent dans le champ de la création sonore : Aline Pénitot, documentariste et compositrice électro-acoustique, Frédéric Changenet, ingénieur du son à Radio France, spécialiste du son immersif et Dominique Petitgand, artiste sonore.
La thématique choisie est la voix et sa place dans la réalisation sonore.
Pour cette journée, nous comptons sur la participation des étudiant·e·s des formations brestoises mentionnées ci-dessus, et sur celle des étudiant·e·s de l’ENS Louis-Lumière, du Master CREADOC (Université de Poitiers, Angoulême), du Conservatoire national supérieur de musique de Paris, du Diplôme en ingénierie sonore (INA), des BTS Audiovisuel de la région, etc.
PROGRAMMATION
9h00 ~ 10h30
Par-delà la voix par Aline Pénitot – Auditorium (Ateliers des Capucins)
En documentaire radiophonique, nous sommes très attaché·e·s au recueil des voix, nous prenons grand soin des hésitations, des silences, du statut de l’expression, de la force évocatrice d’une intonation. Et, bien évidemment, du propos, de ce qui est exprimé. Mais pendant un instant, nous allons écouter par-delà cette puissance là.
Alors que nos micros sont nos pinceaux, « nous en sommes encore à peindre les hommes sur fond d'or […]. Parfois de l'or, parfois du gris. Dans la lumière parfois, et souvent avec, derrière eux, une insondable obscurité. » (Rainer Maria Rilke)
Ce qui m’intéresse de scruter, ce serait cela : l’insondable obscurité radiophonique qui, souvent dans un second plan, accompagne les voix. En documentaire radiophonique, nous rassemblons cela derrière le mot : ambiance. Au plus simple, ce sont des voitures qui passent, les oiseaux d’une forêt au petit matin, le tic tac d’une horloge… pour moi – comme pour d’autres –, ce sont bien d’autres choses que nous pouvons déceler par-delà la voix. Peut-être alors, à travers mon travail, à travers celui de celles et ceux qui le nourrissent, nous entendrons plus encore qu’une porte qui ouvre une maison pour entrer dans un nouvel espace ou une voiture qui laisse à penser qu’un temps passe et permet une ellipse.
En effet, depuis une bonne dizaine d’années, je cherche à déceler ce paysage qui est derrière ces voix que l’on va découper, monter, assembler, mixer. Ce serait alors une radio du dehors que je cherche à fabriquer. Une radio où se dévoilent alors bien d’autres notions que celle de l’ambiance. J’emprunte parfois au field-recording, parfois à la musique concrète, à la bioacoustique, à l’éco-acoustique, ou j’ose bien d’autres chemins. Je me souviens que lors de l’interview d’une femme du Sud de la Martinique, un oiseau gazouillait sur le rythme de ses silences. À moins que ce ne soit l’inverse. J’ai tant à dire aussi sur les interactions sonores avec les baleines à bosse à la Réunion. Alors que « le fond d'or isole chaque figure, le paysage luit derrière elles comme une âme qu'elles ont en commun. » (Rainer Maria Rilke).
10h45 ~ 12h15
La voix multicanale par Frédéric Changenet – Auditorium (Ateliers des Capucins)
Le monde de l’audio fait face aujourd’hui à un double changement de paradigme : le développement du son immersif et l’arrivée des technologies « objet ». On le pressentait depuis quelques années déjà, le son immersif vient aujourd’hui chambouler la stéréophonie, bien en place depuis bientôt 70 ans. On le voit apparaître partout : dans nos salles de concert (les systèmes de sonorisation immersifs sont de plus en plus fréquents), dans nos casques via la technologie binaurale (au point que les utilisateurs de produits Apple écoutent du binaural sans même le savoir ! ), jusque dans nos voitures. Quant au « son orienté objet », il va permettre aux contenus de s’adapter au mieux au mode d’écoute de l’auditeur (au casque, sur haut-parleurs…), mais aussi au contexte d’écoute (problèmes auditifs de l’auditeur, écoute en milieu bruité).
La stéréophonie est donc en passe de laisser la place à de nouvelles technologies de production et de diffusion du sonore, apportant de nouvelles possibilités au créateur. Mais lorsque le créateur tente de s’emparer de ces techniques, il peut se heurter à certaines limites qu’il convient d’analyser pour mieux les dépasser.
Nous n'en avons plus conscience, mais la stéréophonie, avec ses forces et ses faiblesses, induit de fait une écriture sonore spécifique. Avec elle, l’ensemble de l’espace sonore qui nous entoure se retrouve reproduit face à l’auditeur, dans l’espace restreint se situant entre les deux haut-parleurs. Il s’agit d’une représentation stylisée du monde sonore, un contrat d’écoute entre le créateur et l’auditeur.
Les technologies du son immersif visent quant à elles à rendre compte du monde sonore comme il se présente naturellement à nous, dans les trois dimensions de l’espace. Atteignent-elles leur objectif ? La question peut se poser, mais dans ce contexte, la représentation du monde sonore change.
Dans les productions impliquant la voix, cette question du contrat d’écoute liant le créateur et l’auditeur est particulièrement forte. En effet, la voix en constitue de fait l’élément principal. Ainsi, on a couramment admis plusieurs statuts pour la voix : narration, présentation, voix intérieure, en situation… Chacun de ces rôles est associé, au-delà de l’adresse à l’auditeur portée par le comédien/présentateur, à une modalité technique de captation et de traitement.
Modalités liées aux contraintes et forces de ce format hégémonique : la stéréophonie. Le simple fait d’établir une voix de narration en monophonie dans une production stéréophonique se révèle un geste lourd de sens et participe au contrat d’écoute, pouvant presque être considéré comme une convention.
Dans le monde du son immersif, le contrat d’écoute lié à la stéréophonie n’a plus cours. De nouvelles possibilités s’offrent à nous pour traiter les voix, les positionner dans l’espace. On pourrait tout à fait décider de renverser les canons et aborder d’une manière nouvelle tous ces statuts que peut prendre la voix parlée dans nos productions.
C’est cela que nous pourrions discuter. Quel est le poids des conventions esthétiques portées par la stéréo ? Pourquoi ces conventions participent-elles à limiter les possibilités d’écriture sonore spatiale ? Pouvons-nous les dépasser et asseoir de nouvelles conventions plus adaptées aux nouveaux modes d’écoute ? Certaines de ces conventions sont-elles plutôt dictées par notre système de perception plutôt que par le format technique d’écoute ?
Frédéric Changenet est ingénieur du son, responsable de projet technologique pour Radio France depuis 22 ans. Il se consacre au développement de l’audio immersif au sein du pôle innovation.
14h00 ~ 15h30
Les voix : narrations miniatures et architectures sonores par Dominique Petitgand – Auditorium (Ateliers des Capucins)
« Ma pratique de création sonore s’est constituée depuis plusieurs années en suivant un fil conducteur : les voix. Les voix découpées, dépliées et diffusées dans des lieux où elles résonnent, avec lesquels elles se mesurent. Je procède toujours de la façon suivante : les enregistrements de voix, la récolte de paroles et de présences – ce matériau brut, cette réserve de récits potentiels – produisent des narrations miniatures et des architectures sonores, des montages qui donnent lieu à des installations sonores en se confrontant aux lieux d’exposition, mais aussi à des diffusions liées aux multiples supports : séances publiques d’écoute, radio, édition de disques et de livres.
À chaque étape, pour moi, il y a cette interrogation : quelle place laisser à la personne qui écoute ? Cette place, qui est la mienne pendant les enregistrements, devient par retournement, après ma mise en retrait, une place vacante qu’il convient de rendre la plus ouverte et hospitalière possible.»
16h00 ~ 17h30
Et toi, tu fais comment ?
Table ronde proposée par les étudiant·e·s – Auditorium (Ateliers des Capucins)
Écoute de créations réalisées par des étudiant·e·s et discussions autour des différents processus de réalisation. Quelle place a la création radiophonique dans des formations artistiques et techniques (art, son, musique, documentaire, design, …) ?
19h ~ 23h
« Clair de nuit » à la salle du Clous
19h ~ 20h / KINO-RADIO DU SERVICE CULTUREL DE L’UBO
Faire bien avec rien, faire mieux avec peu, mais le faire maintenant : KINO-RADIO !
En 2 week-ends, les participant·e·s ont imaginé-écrit-enregistré-et-monté une œuvre sonore, autour d'un thème : la nuit. La nuit c'est cette durée (in)comprise entre le coucher et le lever du soleil. La nuit peut être noire ou blanche, rêvée ou festive, solitaire ou collective. La nuit on est privé·e de la vue, comme à la radio, c'est l'inconnu.
20h30 ~ 22h / STÉRÉO VULCANI
Construire à trois, dans un espace trifrontal, une forme sonore vivante, tissant histoires radiophoniques, musique, voix et textes. Y aborder des récits d’états mentaux troubles, d’horizons qui se déforment et de paysages. Y infuser l’idée de ligne de bascule, de transition, de contagion d’un état à un autre, de possibles directions. Une performance live par Fléchir le vide en avant.
22h ~ 00h / DJ SARAH RUBIO
Le DJ set des voix reggaeton choisies par la DJ Sarah Rubio.
Et aussi
Jeudi 8 février 10h ~ 12h
Table ronde : se former au son – Maison de l’International
Le Master Image et Son de Brest (UBO), le Master Son de l’ENS Louis-Lumière, la Formation supérieure Musique Son Image - mention son du CNSMDP, le Diplôme Ingénierie sonore de l’INA, le Master CREADOC : une présentation des cycles d’étude par les référents des formations.
Cette journée est organisée par : l'EESAB, le Master Image & Son Brest (UBO) et la Licence Arts (UBO)
Avec le soutien du Service culturel de l’UBO, de l’Unité de Recherche HCTI (UBO, UBS), et de l’association CLIP