La Bretagne linguistique

Le
UFR Lettres et Sciences humaines, Brest, salle A216
La Bretagne linguistique
6 décembre 2024
  • Youenn Léon, UBO, CRBC, Que peut la toponymie pour l’archéologie ?
  • Gaelle Le Corre, UBO, CRBC, Humour: outil de (dé)construction de l'identité galloise
  • Seongwoo Kang, UBO, CRBC, La prosodie du breton et ses variations dialectales
  • Maria Antón i Álvarez de Cienfuegos, Universitat Pompeu Fabra, L’hybridation linguistique du catalan roussillonnais : analyse des enjeux pour les écoles immersives à travers leurs discours publics
  • Bien Do Bui, université de Picardie, Le projet « Langues de Picardie » et les paysages linguistiques (titre provisoire)
5 avril 2024
  • 10 h, Marina Branca, "Unité et diversité de la corsophonie d’aujourd’hui"
  • 11 h, Jeanne Toutous, "Des langues minorisées en mouvements : retours sur une étude comparée Bretagne-Lusace"
  • 14 h, Michel Oiry, "Enjeux de la correspondance d'Armand Keravel des années 1930"
  • 15 h, Mannaig Thomas, "Anjela Duval : un modèle de consécration littéraire ?"
Symposium
Histoire sociale des langues de France : dix ans après
La Bretagne linguistique, CRBC, Brest, 23 & 24 novembre 2023

À l’été 2023, un touriste qui vient à Brest chercher un peu de fraîcheur ne manque pas de la trouver. S’il est attentif aux pratiques langagières, il entendra, dans les rues, parler bien  des langues. Le français, bien sûr et surtout, avec peut-être quelques caractéristiques de phonologie ou de vocabulaire propres à ce que l’on caractérise parfois comme le parler brestois1, un des idiomes parmi d’autres de ce que l’on appelle le français2. Il entendra aussi du berbère ou de l’arabe, du portugais, parlés par des immigrés installés à la pointe du Finistère dans les années 70 ou bien par leurs enfants et petits-enfants nés à Brest. Il croisera des Antillais parlant créole, souvent venus en métropole dans le cadre du programme Bumidom.

Et puis, s’il tend bien l’oreille, il entendra parler breton. S’il tend bien l’oreille car, de nos jours, le breton se pratique majoritairement dans la sphère privée3, entre pairs que ne sépare aucune limite symbolique ou institutionnelle4 : sous ses formes monarchiques, impériales ou républicaines, l’État a justement œuvré pour que la pratique des autres langues de France soit majoritairement cantonnée à cette sphère de l’intime, la domination symbolique subie par ces locuteurs, avec son lot habituel de représentations épilinguistiques négatives, expliquant alors l’arrêt de la transmission au sein des familles5 – cela a pu être vrai pour le breton, mais aussi pour le berbère, le portugais ou le créole. Pour autant, s’il prend le tram brestois, notre touriste entendra une voix de femme lui annoncer en breton, dans une phonologie très proche du français, qu’il lui faut descendre à l’arrêt Liberté s’il souhaite se rendre à la gare. De même, il verra partout dans la ville des panneaux signalétiques bilingues : le breton a bel et bien une valeur symbolique6, qui dépasse la seule fonction de communication.

À Brest, le français se porte donc bien, en effet. Et il en est de même ailleurs sur le territoire de la République7. Mais qu’en est-il des autres langues parlées sur ce même territoire ? Que peut-on dire des pratiques langagières en France ? Qui parle quoi, comment et pourquoi ?

Il y a dix ans, l’Histoire sociale des langues de France avait tenté de répondre à ces questions dans une somme qui avait fait date. On y trouvait la mise en lumière du paysage sociolinguistique de la France, selon trois objectifs affichés :

  • l’équilibre entre la production et la réception : qu’en est-il de la pratique de telle et telle
  • langue ?
  • l’absence de réification : ce ne sont pas les langues qui sont en contact, mais bel et bien les locuteurs de ces langues ;
  • la recherche d’un « compromis entre une grammaire historique et une histoire externe de la langue » (p. 31).

Le terme « langues de France », tout comme celui de « langues régionales »8, a été souvent discuté. On peut ainsi citer un numéro de la revue électronique Glottopol9 intitulé : « Les « langues de France », 20 ans après ». Les guillemets qui encadrent sont un écho au débat que cette dénomination a pu poser, pour des raisons scientifiques ou plus sûrement idéologiques – comment un nationaliste breton ou corse peut-il accepter que la langue qui justifie souvent son idéologie soit une langue de France ?

Dans le cadre de ce symposium, nous conservons ce qualificatif car, outre qu’il figure dans le titre de l’ouvrage publié il y a dix ans, c’est celui qui correspond le mieux à ce qui nous intéresse et qui sous-tend la perspective scientifique adoptée : sur le territoire français, les pratiques langagières – qui sont des pratiques sociales, que la langue parlée soit dite régionale, ultra-marine, nationale ou d’immigration. Derrière chacune des langues qui composent le paysage sociolinguistique brestois, et plus largement français, il y a des locutrices et des locuteurs, qui s’inscrivent dans une histoire : avant 1848, les noirs des Antilles étaient des esclaves, avant 1962, les Berbères et les Arabes d’Algérie étaient des indigènes, pendant que nos arrière-grands-parents bretons étaient des citoyens. On ne peut évidemment pas faire comme si cela n’avait pas d’incidence.

Dix ans après la publication de L’histoire sociale des langues de France, ce symposium voudrait donc tenter d’apporter des réponses à une question : comment et pourquoi ce qui se parle se parle ?

  1. Voir Annie Le Berre, Joli comme à Brest : le parler tit zef, mots et expressions brestoises, Brest, Le Télégramme, 2001. Pour une illustration, voir les chroniques de Steven Le Roy : https://www.tebeo.bzh/emission/breves-de-trottoir/
  2. Sur la définition d’idiome, voir Jean Le Dû & Yves Le Berre, Métamorphoses. Trente ans de sociolinguistique à Brest (1984-2014), Brest, CRBC, 2019.
  3. Voir le dernier sondage TMO région/Région Bretagne de 2018 : Les langues de Bretagne. Enquête sociolinguistique. Sondage 2018 : les principaux résultats, téléchargeable sur le site de la Région Bretagne <https://www.bretagne.bzh/>.
  4. Voir Ronan Calvez, « Ce que parler du breton veut dire », Ethnologie française, 2012/4, vol. 42, p. 647-655. DOI : 10.3917/ethn.124.0647. URL : https://www.cairn.info/revue-ethnologie-francaise-2012-4-page-647.htm
  5. Voir Pierre Bourdieu, Ce que parler veut dire. L’économie des échanges linguistiques, Paris, Fayard, 1982.
  6. Voir Nelly Blanchard, Ronan Calvez, Mannaig Thomas, « Signe et sens en balance : le breton affiché dans la ville de Brest », International Journal of the Sociology of Language. Breton: the post vernacular challenge, De Gruyter Mouton, number 223, 2013, p. 137-152.
  7. Voir Les Linguistes atterrées, Le français va très bien, merci, Tracts, Gallimard, n° 49, 2003.
  8. Voir Romain Colonna, « Langues régionales », Langage et société, 2021/HS1 (Hors série), p. 217-220. DOI : 10.3917/ls.hs01.0218. URL : https://www.cairn.info/revue-langage-et-societe-2021-HS1-page-217.htm
  9. Christian Lagarde (dir.), Glottopol, 34 | 2020, « Les "langues de France", 20 ans après ». URL : https://journals.openedition.org/ glottopol/329 ; DOI :

Programme

23 novembre 2023
10 h Ronan Calvez, introduction au symposium & problématique
Paul de Sinety, Délégué général à la langue française et aux langues de France
10 h 30 Georg Kremnitz, HSLF, « L’Histoire sociale des langues de France, 10 ans après – évolutions et stagnation »
11 h Véronique Bertile, « Les langues de France : de quel(s) droit(s) ? »
11 h 30 Michel Launey, « Transmission intergénérationnelle, variation interne, valeur patrimoniale des langues de France : des paramètres en cours de clarification ? »
12 h Débat
12 h 15-14 h Déjeuner
14 h Arnaud Dhermy, « Les patrimoines des langues de France à la BnF et dans son réseau de coopération : un état des lieux »
14 h 30 Alexandrine Barontini, « Les arabophones de France »
15 h Marie Perini, « Situation sociale de la LSF aujourd'hui, entre avancées et fragilités »
15 h 30 Débat
15 h 45-16 h Pause
16 h

Fañch Broudic, « Trente ans de sondages sur la pratique sociale du breton et les représentations qui lui sont liées »

16 h 30 Corinne Mencé-Caster, « Contacts de langues prolongés (français/créole martiniquais) et pratiques langagières des locuteurs : quels outils et concepts pour les décrire ? Décréolisation ? Refrancisation ? Évolution "contrainte" de la langue créole ? »
17 h Valelia Muni Toke, « Pour une histoire sociale des "langues de France" dans le Pacifique »
17 h 30 Débat

 

24 novembre 2023
9 h Erwan Le Pipec, « Le breton des jeunes locuteurs : ce que "pas le même breton" veut dire... »
9 h 30 Pascal Ottavi, « Le corse et les langues de France : de quel côté du limes ? »
10 h Yan Lespoux, « 10 ans après, où en est-on de l'enseignement de l'occitan ? »
10 h 30 Débat
10 h 45-11 h Pause
11 h Eguzki Urteaga, « La langue basque dans l’hexagone : compétence, transmission, pratique et attitude »
11 h 30 Isabelle Léglise, « Quel accès aux services publics pour des citoyens non francophones en Outre-mer en général et en Guyane en particulier ? »
12 h Débat et conclusions
12 h 30 Déjeuner

 

2 décembre 2022

10h - Yves Lebahy, professeur agrégé de géographie :
« Faire vivre nos langues : un enjeu fondamental pour l’avenir de la société bretonne »

11h - Quentin Boitel, docteur en Sciences du langage, chercheur associé au Cerlis (UMR 8070), Université Paris Cité :
« Les enjeux politiques de la revitalisation des "langues en danger". Le cas du nahuat (El Salvador) »

14h - Eve Rouxel, doctorante au CRBC :
« Ce que (pouvoir) lire en breton veut dire. Des bretonnants aux brittophones »

15h - Fabrice David, docteur en Ethnologie, chercheur associé au CRBC
« Les sujets-textes d’examen en breton. Présentation et analyse exploratoire d’un corpus textuel d’évaluation en langue bretonne »

Vendredi 20 mai 2022

10 h : Valeria Villa-Perez « (Néo)locuteurs ? Penser la place des migrants dans la revitalisation des langues minorées ».

11 h : Pascale Erhart « "E jauner un dis isch e rouger" : Stratégies plurilingues chez de très jeunes locuteurs alsaciens dans le 1er quart du XXIe siècle »

14 h : Marie Sarraute-Armentia « L'occitan, kezako qu'es aquò ? Enjeux d'une minorisation, entre langue et territoire »

15 h : Katell Chantreau « La transmission familiale d’une langue minoritaire autochtone : le cas du breton »

 

Le « Groupe de recherche sur l’économie linguistique de la Bretagne » (GRELB) est un espace d’échange autour des pratiques et des représentations linguistiques en Bretagne. Il porte principalement sur la langue bretonne (linguistique, sociolinguistique, dialectologie, toponymie, littérature, littérature orale, histoire), mais s'intéresse aussi, d'une part, aux autres langues pratiquées en Bretagne, et d'autre part, aux autres langues celtiques modernes ou anciennes, aux autres langues régionales de France, d'Europe ou du monde permettant d'éclairer la situation linguistique bretonne. Il prend la forme d'un séminaire trimestriel organisé par le département de breton et celtique de l'Université de Bretagne occidentale dirigé par des enseignants-chercheurs du Centre de recherche bretonne et celtique. Les actes des séminaires sont publiés dans la revue La Bretagne linguistique (ISSN 1270-2412) depuis 1985. Depuis juin 2020, la revue est en ligne sur OpenEditions Journals. Les numéros actuellement disponibles sont les n° 20, 21, 22 et 23 ; les numéros antérieurs seront progressivement mis en ligne, ainsi que les numéros à venir.

La revue La Bretagne linguistique est lauréate de la campagne de soutien aux revues 2023 de l'InSHS. Pour l'attribution de ce soutien, l'InSHS tient compte des grandes orientations nationales en matière de science ouverte et incite à mettre en place les bonnes pratiques éditoriales et de Science ouverte.
L'évaluation est faite par une ou deux sections du Comité national de la recherche scientifique et par le pôle Science ouverte de l’InSHS selon une grille de critères d’ouverture et de transparence.
Il s'agit de la première revue de l'UBO à obtenir ce soutien.

Pour en savoir plus : Télécharger le manifeste de La Bretagne linguistique (PDF)
 

Consignes aux auteurs de La Bretagne linguistique (PDF)

Rédacteurs en chef

Nelly BLANCHARD et Ronan CALVEZ

Secrétariat de rédaction

Hélène GOMBERT, mise en page de la version papier et mise en ligne sur OpenEdition Journals
Marie SALOMON-LE MOIGN, mise en ligne sur OpenEdition Journals

Conseil de direction du Groupe de recherche sur l'économie linguistique de la Bretagne (GRELB)

Nelly BLANCHARD (CRBC), Ronan CALVEZ (CRBC), Yves LE BERRE (CRBC), Daniel LE BRIS (CRBC), Jean LE DU (CRBC), Erwan LE PIPEC (CRBC),  Mannaig THOMAS (CRBC)

Comité de lecture de La Bretagne linguistique

Aurelia ARKOTXA (IKER, U 5478), Nelly BLANCHARD (Centre de recherche bretonne et celtique, EA 4451/UMS 3554), Jean-Yves CASANOVA (Centre de recherche en poétique et histoire littéraire, EA 3003), Francis FAVEREAU (Centre de recherche bretonne et celtique, EA 4451), Daniel LE BRIS (Centre de recherche bretonne et celtique, EA 4451/UMS 3554),  Charles VIDEGAIN (IKER, UMR 5478)

Conseil scientifique international de La Bretagne linguistique

Ronan CALVEZ (CRBC), Elisabetta CARPITELLI (Centre de dialectologie GIPSA-Lab, UMR 5216), Jean-Yves CASANOVA (Centre de recherche en poétique et histoire littéraire, EA 3003), Michel CONTINI (Centre de dialectologie GIPSA-Lab, UMR 5216), Pilar GARCIA MOUTON (Instituto de Lengua, Literatura y Antropologia), Hans GOEBL (Romanische Variationslinguistik, FWF, Wien), Jean-Léonard LEONARD (Laboratoire de phonétique et phonologie, UMR 7018) Hildegard TRISTRAM (Hermann-Paul-Centrum für Linguistik, Freiburg), Charles VIDEGAIN (IKER, UMR 5478)