Séance inaugurale le 21 novembre 2024 : construction d'une réflexion et d'un groupe avec appel interne aux membres du laboratoire.
Présentation
Il s’agit, dans ce séminaire, d’interroger les représentations portuaires et maritimes au sein d’œuvres d'autrices relevant de ce que la critique actuelle, avec Ivan Jablonka, propose d'appeler les « littératures du réel » – écrits du for intérieur, mémoires, correspondances, écrits viatiques, journaux intimes, autobiographies, essais, voire articles de journaux –, mais aussi dans les représentations plastiques livrées par des femmes peintres, décoratrices ou sculptrices à partir du XVIIe siècle, puis par les femmes photographes et réalisatrices à partir des XIXe et XXe siècles, sans limitation d’aires géographiques et culturelles.
La mer ayant été longtemps considérée dans les représentations dominantes comme un espace assigné au masculin, comment les créatrices traitent-elles de leur expérience des ports, des littoraux, des traversées maritimes, voire de la navigation? Quels éléments, objets, activités ou figures retiennent plus précisément leur attention? Ces sujets font-ils l'objet de traitement particulier au fil des changements de paradigmes historiques et socio-culturels, avec en particulier l'esthétique du sublime ou les mouvements symbolistes et réalistes, l'apparition du « désir de rivage », la vogue des bains de mer, l'essor des voyages et du tourisme, la navigation de plaisance et les sports nautiques, la reconfiguration des activités et des espaces due aux évolutions économiques, voire aux effets des changements climatiques? Tous les espaces littoraux, portuaires et maritimes pourront être considérés, avec un intérêt particulier pour la Bretagne et les pays celtiques.
À partir des dernières décennies du XIXe siècle, nombre de créatrices rendent compte des séjours d’agrément des femmes des classes aisées en bord de mer (promenades, bains, yachting…). Mais quelle est précisément la part qu'accordent les témoignages féminins au travail et à l'investissement des femmes dans les ports et sur les littoraux? Du XVIIe siècle à nos jours, les représentations portuaires et maritimes au féminin manifestent-elles un intérêt particulier pour le travail des femmes des classes populaires, femmes de pêcheurs, commissionnaires, lavandières, ouvrières des usines de conservation...? En cette année de célébration du centenaire de la grève victorieuse des sardinières de Douarnenez, on pense à un ouvrage comme celui d'Anne Crignon qui rend hommage au labeur, à la culture et au mouvement de protestation des ouvrières généralement invisibilisées ou « oublié[e]s des sociétés maritimes ». Mais qu'en est-il antérieurement dans les productions au féminin?
L'expérience viatique elle-même et sa transcription ayant longtemps été des activités masculines, on pourra particulièrement s’intéresser aux récits et carnets des voyageuses qui, à partir du XVIIIe siècle surtout, découvrent ports et rivages, et font l'expérience de traversées d'espaces maritimes plus ou moins vastes (voyageuses européennes ou extra-européennes, dans le monde breton et celtique, mais non exclusivement) et les restituent, que ce soit par le crayon, la plume et le pinceau, ou l’appareil photographique et la caméra.
L'approche interdisciplinaire de ce séminaire intéressera littéraires, spécialistes des langues et cultures étrangères et régionales, historiens et historiens de l’art, géographes, anthropologues, sociologues... Nous considérerons de préférence des productions au féminin non fictionnelles, mais sans radicalement exclure les fictions.