Grande collection qui fait l'objet d'études patrimoniales dans le cadre du projet e-RecolNat (convention entre l'association Tela Botanica, en charge de l'animation du programme de recensement des herbiers de France et le Conservatoire botanique national de Brest, comité de pilotage breton avec le CBNB, les universités de Bretagne occidentale et Rennes 1, les médiathèques de Quimper Communauté et l'association Bretagne vivante-SEPNB). À l'UBO, l'herbier est sous la responsabilité scientifique de M.-A. Bessières. La collection est appelée herbier « Moreau » du nom de C. Moreau qui l'a commencée et qui en a été le principal mais pas unique contributeur ; avec ses 30000 planches (environ), elle suit l'histoire de la fondation de la Faculté des sciences à Brest depuis les années 1960. Cette collection est très partiellement inventoriée.
Cet herbier, riche de près de 30 000 spécimens, a été constitué par Claude et Mireille Moreau à leur arrivée à Brest lors de la création de l’université au début des années 1960.
Le botaniste perçoit un herbier avant tout comme un outil de travail, essentiel dès qu'il souhaite s'intéresser à la systématique, que ce soit pour l'entraînement personnel à la détermination (« se mettre l'espèce dans l'œil ») ou pour avoir accès à une référence. Or, une autre vision est possible, celle d'un herbier considéré comme un objet appartenant à un patrimoine scientifique contemporain. À ce titre, il s'inscrit dans l'histoire d'une discipline, de pratiques et d'institutions.
Une étude sur l'élaboration de l'objet a un intérêt évident dès lors que l'on souhaite l'inscrire dans un patrimoine scientifique commun. Il peut être un outil de communication scientifique, que ce soit pour une vulgarisation ou un enseignement. Pour le grand public en particulier, il est familier et permet de sensibiliser aux problèmes liés à la biodiversité ou à d'autres sujets scientifiques d'importance. Pour cela, il faut être capable de le contextualiser, sans quoi il perd une partie de son sens. Étudier la genèse des collections ouvre une fenêtre sur des instants de l'histoire des sciences et des scientifiques. Un herbier étant le fruit d'une élaboration longue et patiente, il met en évidence la science comme construction humaine, scandée par des étapes intellectuelles qui s'inscrivent dans la pensée scientifique d'une époque. C'est pour cela qu'il faut s'intéresser non seulement à l’élaboration de l'objet, mais également à son utilisation. Cette étude là s'attache aussi à l'histoire des pratiques, des enseignements et des institutions.
Malgré le chemin déjà parcouru, le travail sur l'herbier « Moreau » débute à peine. Nous pouvons cependant d'ores et déjà en dresser un portrait partiel, tout en soulignant les points qui seront à traiter à l'avenir. Ce que nous dénommons l'herbier « Moreau » n'est pas le fruit du travail d'un homme seul. Il s'agit en grande partie d’une histoire familiale. En premier lieu, la collection initiale est l'œuvre de Fernand Moreau (1886-1979), lichénologue reconnu (Moreau, 1928, 1952-1954, 1960, Moreau & Moreau, 1955) enseignant successivement dans les universités de Nancy, Clermont-Ferrand et Caen (Bulletin de la société mycologique de France, 1980). Elle comporte des spécimens de provenances et de dates très diverses, ce qui nous amène à nous interroger sur les mécanismes de collecte et d'échanges entre spécialistes à une époque donnée. Notons que Fernand Moreau a bénéficié de la collaboration essentielle de sa femme Valentine Moreau. La suite de l'histoire est liée à un événement institutionnel : la création à Brest dans les années 1960 du Collège scientifique universitaire, antenne de l'université de Rennes, qui devient en 1970 l'Université de Bretagne occidentale (UBO). À cette époque pionnière, où le vieux port militaire se voit peu à peu doté 'institutions d'enseignement supérieur, arrivent deux chercheurs, Claude Moreau et sa femme Mireille. Claude Moreau, fils de Fernand, directeur de recherche au CNRS est spécialiste des champignons (Moreau, 1992), notamment de ceux impliqués dans les phytopathologies (maladies des plantes liées aux champignons). Mireille Moreau a été la première enseignante de biologie à l’université de Brest. Afin d'assister Claude dans la mise en place de l'enseignement de biologie à Brest, Fernand Moreau lui confie ce qui constitue la collection initiale. Notons ici qu'un herbier est considéré à l'époque comme un élément essentiel dans un laboratoire de biologie. Pendant de nombreuses années, il sert de support pour les travaux pratiques de la formation en biologie. Progressivement, l'herbier est enrichi par les Moreau, notamment lors de missions à l'étranger (comme à Abidjan). Les cartons actuels témoignent d'une activité diversifiée ainsi que de la contribution d'autres enseignants chercheurs, tels Auguste Dizerbo et Roger Capitaine. Des questions attendent encore des réponses satisfaisantes et le fil narratif n'est pas totalement reconstitué. Un travail d’étude des documents disponibles et de la mémoire des individus qui ont accompagné l'élaboration de cet herbier est à réaliser d’urgence par l’université qui doit s’en donner les moyens. Il reste à étudier non seulement l'objet lui-même et les pratiques qui s'y rattachent, mais aussi tout ce qui l'entoure et a pu l'entourer.
L’herbier « Moreau » est composé de nombreuses collections très hétérogènes avec des provenances et des histoires variées.
On peut en dénombrer une trentaine de différentes, contenant des plantes vasculaires, des lichens ou des champignons. Cet herbier ne comprend qu’un seul alguier, les autres sont pour la plupart regroupés à l’Institut universitaire européen de la mer (IUEM). Les différentes collections sont regroupées dans environ 220 classeurs, dans un état de conservation plus ou moins satisfaisant. Pour donner une idée de leur diversité, nous décrivons ici quelques collections constitutives de l’herbier « Moreau ». Un rapport plus complet décrivant les collections (Ponsero, 2008) peut être obtenu auprès des auteurs de ce présent article.
Collection Auguste Dizerbo (récolte entre 1960 et 1980)
Cette collection contient de nombreux classeurs qui regroupent les planches par grandes familles de plantes vasculaires. Ces classeurs ont probablement été constitués par A. Dizerbo, professeur à l’université de Brest, et aujourd’hui à la retraite. Il semble qu’ils aient été créés dans le but de constituer un support pédagogique. A. Dizerbo a ainsi prélevé des planches de divers herbiers et a ajouté les siennes. On trouve au milieu de planches signées A. Dizerbo, des planches de la collection D. Perrault. Souvent, les spécimens et étiquettes ne sont pas fixés. Les spécimens sont parfois abîmés, endommagés par des insectes (traces apparentes), et réduits en poudre, partiellement (en général les fleurs sont les plus touchées) voire totalement.
Collection Herbarium Salicum (consacrée au genre Salix récolte entre 1920 et 1930)
Ces planches ont été réalisées par le Dr Chassagne, docteur en médecine à la Faculté de Paris et spécialiste de la flore d’Auvergne. La correspondance entre F. Moreau et le Dr Chassagne accompagne les classeurs. Cette collection comporte des spécimens de plantes vasculaires. Les spécimens ne sont pas fixés, accompagnés d'une étiquette de l'herbier, d'un numéro et d'une photo du site de prélèvement. Les planches sont en bon état général. Sur certains classeurs on trouve la mention « empoisonné ». On peut supposer que les spécimens de cette collection ont étés traités afin de limiter les attaques d’insectes.
Collection D. Perrault (récolte entre 1890-1930)
Les planches ont été réalisées par D. Perrault. On ne trouve qu’une seule écriture manuscrite dans tous les cartons et presque toutes les planches ont un numéro à l’encre rouge. Cette collection de plantes vasculaires est importante (environ 10 000 planches) c’est la seule de l’herbier « Moreau » qui soit recensée dans l’index des herbiers mondiaux (Herbarium index of New York). De plus, on trouve, par le même auteur, un carton de mousses et un carton de lichens ainsi que des cartons de mousses « Muscologia Gallica, mousses de France ». Les spécimens sont fixés sur les planches par des bandelettes. L'étiquette est toujours présente et toujours remplie entièrement. Les planches et les
spécimens sont, pour la plupart, en très bon état. Très peu de spécimens ont été détachés ou abîmés. La bonne conservation de ces planches est probablement due à la présence de sels protecteurs non identifiés à ce jour.
Collection Arnold (récolte entre 1860 et 1890)
Docteur en botanique à l’Université de Munich, Ferdinand Christian Gustav Arnold est un spécialiste renommé des lichens alpins. L’ensemble des spécimens de lichens sont placés sous enveloppes, et accompagnés d’une étiquette, rédigée en allemand. L’étiquette porte des références de pages de flores. On trouve avec les spécimens d’Arnold, des enveloppes du même type, portant l’inscription « Herbar. Floerke in Rostock » ou « Herbar Wallorth in Strassburg. », elles contiennent des photos de spécimens appartenant à d’autres herbiers. Les spécimens sont en général en bon état.
Collection Hepp (récolte entre 1850 et 1860)
Cette remarquable collection de lichens semble avoir été constituée par un unique auteur, Hepp. Ce sont de petites planches libres. Chaque spécimen est accompagné d’un dessin à l’encre parfois colorée, ainsi que d’un texte en allemand décrivant le spécimen et donnant des références à des pages de flores. Un cahier écrit à la main en français par une personne inconnue recense les spécimens de la collection. Les petites planches sont souvent en bon état, quelques-unes sont cependant pliées ou abîmées du fait de spécimens volumineux sur écorce ou pierres. Enfin, il faut remarquer que le local de l’herbier contient d’autres « trésors », comme des cartons dans lesquels on trouve des spécimens végétaux non déterminés dans des fioles de verres, ou encore des retours d’expéditions scientifiques, notamment des missions effectuées par Claude Moreau (mission à Abidjan par exemple).
Les quelques exemples cités ici donnent une idée de la grande diversité des collections de l’herbier « Moreau », tant au niveau de l’origine (collections allemandes, françaises ou même chinoises), qu’au niveau de la date de création (les planches les plus anciennes datent de 1830, et les plus récentes de 1980). L’état de conservation des planches est très variable entre les collections. Certaines ont été attaquées par des insectes ou endommagées par l’humidité. Un mauvais rangement dans les classeurs a parfois abîmé des spécimens. D’autres, comme celles de l’herbier D. Perrault, sont en revanche dans un état remarquable. Il semble que les différentes collections aient des histoires spécifiques, donnant à l’herbier « Moreau » une histoire complexe.
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Texte de :
Jérôme SAWTSCHUK, Institut de Géoarchitecture, UFR Sciences et Techniques Brest, UBO (sawtschuk_alt_univ-brest.fr)
Alise PONSERO, Étudiante en licence de biologie (alise.ponsero_alt_gmail.com)
Ewan ANDRE-ORMOD, Étudiant en licence d’histoire (ewanao_alt_hotmail.fr)
Localisation des herbiers :
D020, un petit local près de l'atelier de verrerie.