5 questions à… Olivier Aranda, prix d'histoire militaire du Ministère des Armées et des Anciens Combattants

Le
Centre de recherche bretonne et celtique (CRBC)
Olivier Aranda reçoit un prix

Olivier Aranda est maître de conférences en histoire moderne au centre de recherche bretonne et celtique (CRBC) depuis 2023, année où il soutient sa thèse intitulée « La marine de la République à Brest et dans l’Atlantique : 1792-1799, direction politique, stratégie, opérations ».

En décembre 2024, il a reçu le prix d'histoire militaire du Ministère des Armées et des Anciens Combattants qui lui a été décerné par le Conseil scientifique de la recherche historique de la défense (CSRHD), ainsi qu’une mention spéciale du prix amiral Daveluy. Rencontre en 5 questions.

Pourquoi avez-vous réalisé une thèse ?

Je me suis lancé dans une thèse parce que je voulais faire de l'histoire mon métier. Mais pour ce qui est du sujet, c'est-à-dire la marine de la Révolution française, en particulier à Brest, on m'a souvent posé la question, et il n'y a pas vraiment de raison. C'est un cheminement intellectuel et personnel : j’ai eu un coup de cœur pour la Bretagne, je voulais en faire mon objet d’étude.

Sur quoi portait votre thèse ?

J’ai travaillé sur la marine de guerre pendant la Révolution française. À cette époque, il y avait deux flottes principales : Brest et Toulon. Celle de Toulon ayant déjà été étudiée, je me suis concentrée sur la flotte brestoise. Je voulais montrer un autre visage, parce que le destin de la flotte de Brest, non pas qu'elle remporte une victoire éclatante, mais il est quand même très différent. En effet, c'est une flotte qui continue de remplir ses fonctions stratégiques.

Ma thèse s’articule autour de trois axes. D’abord la direction politique de la guerre, ce qui est particulièrement intéressant pendant la période de la Révolution. Par exemple, on peut se demander comment est-ce que les autorités révolutionnaires gèrent les mutineries à bord des navires, quand elles-mêmes sont issues d’une insurrection ? Ensuite, je me suis intéressé à l’axe stratégique, la flotte française ayant souvent été décrite comme timorée, refusant le combat et n'ayant pas vraiment de stratégie maritime. J'ai alors essayé de montrer que, pendant la Révolution française, ce n’est pas toujours vrai et qu’une stratégie offensive est déployée, articulée à des innovations technologiques comme l’invention de l’obus explosif. C'est le moment où la République s'appuie sur les sciences et se tourne vers la modernité. Il y a cette idée que les sciences et progrès technologiques, notamment militaires, vont permettre de sauver la République dans sa guerre contre l'Europe entière. Finalement, j’ai voulu ajouter un dernier axe opérationnel, pour montrer concrètement ce qu’il se passait à bord, pour évoquer la mer et les hommes aussi, puisqu’en tant qu’historien, je m’intéresse à l’humain. Ici, j’ai étudié comment s'articule concrètement la volonté stratégique avec les pratiques réelles.

Illustration "Vaisseau de 74 canons"

SHD-MV, D1 65, n°28, « Vaisseau de 74 canons approuvé par le Roy en may 1782. Exécutés sur ce pl. le Téméraire, le Superbe, l’Audacieux, le Fougueux, le Borée, l’Orion, le Généreux, le Patriote, le Ferme, le Léopard. » Signé Sané, ing. constr., non daté [

Ma thèse prend un peu le contre-pied des historiens précédents qui ont fait une lecture contre-révolutionnaire de cette période. C’est en partie vrai, mais j’ai pu montrer, par l’analyse d’archive et en croisant les sources, que les révolutionnaires ont su maintenir la flotte, former des officiers ou s’appuyer sur les progrès techniques par exemple.

Que représente ce prix pour vous ?

Le prix d’histoire militaire, c’est le couronnement du soutien du ministère des Armées à mes recherches. C’est vrai que le financement de la part d’un ministère peut questionner l’indépendance du chercheur, mais l’institution militaire m’a laissé une totale autonomie dans mon travail. Le ministère des Armées apporte un véritable atout à la recherche dans son domaine, ils apprécient qu’on mette en avant leur passé, ce qui est très positif pour les chercheurs. Et puis personnellement, c’est une satisfaction. Ce prix montre que mon travail intéresse.

Sur quoi portent vos recherches aujourd’hui ?

J’ai soutenu ma thèse en 2023. Depuis, je travaille toujours sur la marine, mais je m’intéresse à l’histoire “par le bas”, c'est-à-dire retrouver les catégories populaires. Pour ma thèse, je me suis intéressé aux décideurs, aux élites et j’ai passé des heures sur les procès verbaux du Conseil exécutif, les compte rendus des ministres, la correspondance des amiraux… Maintenant, j’aimerais me rapprocher des marins pour proposer une histoire militaire et sociale pendant la période révolutionnaire. Je voudrais aussi croiser avec des éléments régionaux et me centrer sur les Bretons, qui subissent de nombreux clichés, en articulant avec la question de la langue. Je ne suis pas spécialiste, mais comme je suis membre du CRBC, des collègues peuvent m’aider à traduire des sources en langues bretonnes. J’ai déjà une piste : en 1793, il y a eu une grande mutinerie de la flotte de Brest. Certains officiers se plaignent que les soldats à bord, originaires du Morbihan, ne parlent pas français, et cela pose problème pour le maintien de l’ordre. C’est une piste à creuser, et qui ferait sens au sein de mon laboratoire de recherche.

Quel est votre meilleur souvenir en tant que chercheur ?

Mon meilleur bonheur d’archive, comme on dit en histoire, c’est le tout dernier carton que j'ai ouvert pour ma thèse. Je traitais des archives du centre d’expérimentation de Meudon, et j’ai trouvé deux aquarelles de Conté qui représentent des expériences réalisées avec les premiers obus explosifs. Ces dessins sont surprenants, car il représente des schémas scientifiques mais dessiné presque naïvement à l'aquarelle. En tant qu’historien, on doit toujours faire ce travail de se représenter ce qu’on lit, et là, je l’avais sous les yeux sans effort.

Archives Nationales, AF II 220 doss. 1899 f°24, aquarelle de Conté, octobre 1794

Archives Nationales, AF II 220 doss. 1899 f°24, aquarelle de Conté, octobre 1794

Café du port : « Corsaires, cargaisons et droit maritime pendant la Révolution française »

Olivier Aranda viendra présenter ses travaux de recherches lors du prochain cafés du port organisé par le CRBC. La discussion sera assurée par Arnaud Montas, juriste au laboratoire AMURE et spécialiste en droit maritime.

En pratique
  • Jeudi 6 mars 2025, de 16 h à 18 h
  • Salle C219, Faculté des Lettres et Sciences humaines, Brest

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