Classé par l’UNESCO comme une langue sérieusement en danger, le breton bénéficie depuis environ une trentaine d’années d’un mouvement de réappropriation par une partie significative de la population. Cependant, à défaut d’une transmission familiale et sociétale suffisamment conséquente, le principal moteur de cette dynamique est désormais l’école. Ce mouvement a entraîné l’émergence de nouvelles générations de locuteurs. Grâce bien sûr à l’arrivée à l’âge adulte des premières cohortes d’anciens élèves issus des classes bilingues, mais également par des formations linguistiques pour adultes. Par conséquent, si la majorité des locuteurs du breton dessinent aujourd’hui un certain stéréotype (que l’on retrouve pour beaucoup de « langues de France ») : âgés, plutôt ruraux et peu diplômés, il existe aussi désormais un vivier de locuteurs en tout point opposés à cette représentation commune. Tendanciellement : jeunes, urbains et hautement qualifiés.
Cependant, l’école, lorsqu’elle est devenue le principal vecteur de transmission d’une langue, peut-elle « réparer » la cassure dans la chaîne de transmission linguistique ? Un discours assez répandu questionne la légitimité des nouveaux locuteurs, en particulier de par les caractéristiques prosodiques du breton qu’ils pratiquent. Celui-ci serait ainsi un « néo-breton », un « breton littéraire » ou un « breton standard », homogène, artificiel, au lexique saturé de néologismes, marqués paradoxalement par un fort accent français. En cela, il serait très éloigné des formes immémoriales de la langue, quant à elles naturalisées et caractérisées par leur hétérogénéité et leur prosodie spécifique.
Le travail présenté tâche de mesurer la permanence des traits prosodiques distinctifs du breton chez un panel de jeunes locuteurs. Leurs productions (constituées d’enregistrements d’une dizaine de minutes chacun) ont donc été analysées sous l’angle de la phonologie, en combinant une approche dialectologique et variationniste. Les résultats montrent effectivement l’effet très significatif de la force d’attraction du français. Mais les pratiques sont néanmoins diverses : certains se sont aussi appropriés un breton dialectal, conforme à l’usage des locuteurs originels d’un lieu donné. C’est donc sur un continuum que se répartissent les informateurs, où les productions linguistiques peuvent être (prudemment) mises en regard avec différents facteurs, mais dont les effets sont parfois contre-intuitifs, notamment en termes d’âge d’acquisition de la langue.
Erwan Le Pipec, maître de conférence au Centre de Recherche Bretonne et Celtique et directeur du département breton de l'UBO vous invite à découvrir les études sociolinguistiques qu'il a mené sur l'étude de la langue bretonne.
Informations pratiques :
- Mercredi 3 avril 2024 de 19h30 à 21h
- BEAJ Kafe, 51 rue Branda à Brest
- Gratuit et ouvert à tous