Les moisissures sont des champignons microscopiques qui colonisent de nombreux supports. Elles se dispersent par la production de spores et peuvent donc contaminer et altérer les produits alimentaires. Certaines de ces espèces peuvent produire des mycotoxines, susceptibles de migrer dans l’aliment, et présentent un potentiel danger pour la santé humaine. Les aliments contaminés doivent donc être jetés ce qui contribue au gaspillage alimentaire. Un levier pour réduire ce gaspillage serait de ne plus jeter systématiquement, mais plutôt d’en éliminer une partie, incluant la zone contaminée. Cependant, pour donner des recommandations aux consommateurs, le risque sanitaire doit d’abord être pris en compte pour assurer leur sécurité.
À ce jour nous manquons de connaissances sur les moisissures qui contaminent les aliments. Le projet de recherche MYNION (MYcotoxiN migratION), lauréat de l’appel à projet générique 2022 de l’ANR, s’intéresse à ces moisissures et leurs mycotoxines. MYNION a un double objectif : d’une part, d’évaluer le risque encouru par le consommateur associé à la migration des mycotoxines dans les aliments, grâce à une meilleure connaissance des espèces fongiques qui contaminent les aliments ; ensuite le projet a pour objectif de proposer des voies de limitation du gaspillage alimentaire, fondées sur les gestes à préconiser en cas de moisissures, en tenant compte du risque encouru. Ce projet collaboratif est coordonné par Monika Coton, professeure en écologie microbienne au laboratoire LUBEM (UR3882) et en collaboration avec l’UMR QualiSud de l’université de Montpellier et le laboratoire LEGO (EA 2652) de l’UBO.
En 2023, les scientifiques du projet MYNION ont mené une vaste opération de science participative : le grand public a été mis à contribution pour récolter un maximum d’échantillon de moisissure et ainsi constituer une collection qui servira de base pour les analyses futures.
Une collecte riche et diversifiée
La campagne de science participative s’est terminée en fin d’année 2023. L’année 2024 a donc été consacrée à l’analyse des échantillons reçus. Même si les études ne sont pas terminées, la campagne délivre déjà ses premiers résultats.
Environ 500 personnes, réparties sur toute la France, ont participé et envoyé leurs échantillons d’aliments moisis aux deux laboratoires du projet, dont environ 260 au LUBEM à Brest et 240 à Qualisud à Montpellier. Sur ces échantillons on compte environ :
- 45% de fruits et légumes
- 25% de fromage et autres produits laitiers
- 15% de produit de boulangerie
- 15% de confiture
Et aussi quelques échantillons de produits carnés et d’autres produits alimentaires.
L’objectif principal est d’identifier les moisissures présentes sur ces aliments. Les premiers résultats ont montré une grande diversité d’espèces, avec une prédominance des moisissures du genre Penicillium, conformément aux attentes.
Mais ce qui intéresse particulièrement les scientifiques du projet MYNION, ce sont les toxines produites par ces moisissures, appelées mycotoxines, et leur diffusion dans les aliments. L’analyse a ainsi révélé qu’environ 50% des moisissures isolées à partir des échantillons reçus pourraient produire des mycotoxines, certaines plus ou moins dangereuses pour la santé humaine.
Ce travail d’identification et d’analyse a été finalisé pour l’ensemble des aliments reçus lors de la campagne de science participative et des moisissures isolées sur les échantillons. La prochaine étape consiste à déterminer la migration des mycotoxines dans plusieurs aliments. Pour cela, l’équipe du projet cherche à identifier des couples modèles aliments/moisissures. Le premier couple identifié relie la tomate et des toxines produites par la moisissure Alternaria alternata. Pour étudier la migration dans l’aliment, Charlotte Réant, doctorante au LUBEM, inocule la moisissure directement sur la tomate puis elle suit le développement et la production des mycotoxines. Pour ce faire, elle réalise des coupes en largeur et en profondeur de l’aliment pour définir les zones contaminées et déterminer s’il est possible d’en enlever une partie pour consommer le reste. Ces travaux sont toujours en cours, et seront complétés par des études sur d’autres modèles, comme la crème fraîche ou le pain.
Comprendre le comportement face aux aliments moisis
Les participants de la campagne de science participative ne se sont pas limités à l’envoi d’échantillons. Chacun a également répondu à un questionnaire portant sur son comportement face aux aliments moisis, pour le volet de l’étude menée par le LEGO. Bien que les analyses soient encore en cours et ne permettent pas de conclusions définitives, les premiers résultats décrits par Kimberley Girardon, ingénieure de recherche au LEGO, permettent de dégager quelques tendances.
Sur les réponses déjà analysées (environ 2/3 des questionnaires reçus), on observe que 75% des répondants sont des femmes et 25% des hommes. La majorité (50%) vit dans des villes de plus de 200 000 habitants. Les questions posées permettaient d’étudier la réaction des personnes face à un aliment moisi. Ainsi, les résultats montrent que seules ¼ des personnes interrogées tentent de garder une partie de l’aliment, les ¾ préfèrent en jeter l’intégralité.
Les principaux signes repérés par les participants les incitant à jeter les aliments moisis sont : l’aspect visuel, suivi de l’odeur et enfin du goût du produit. Les aliments le plus souvent jetés dans leur intégralité sont la viande et le pain, tandis que les produits laitiers, les fruits et légumes, ainsi que la confiture sont moins souvent écartés.
Ces premiers résultats fournissent une base intéressante pour poursuivre les analyses et mieux comprendre le comportement des consommateurs vis-à-vis des aliments altérés ou moisis.